Des crédits d’impôt c’est bien, mais est-ce suffisant? Dans le film de Field of Dreams, on peut entendre « si tu le construis, il viendra ». Le film raconte l’histoire de Ray Kinsella (Kevin Costner), un fermier de l’Iowa, qui construit un terrain de baseball dans son champ de maïs afin que des anges puissent venir y jouer. Lundi, 30 septembre 2013, le gouvernement du Québec a décidé d’imiter ce fermier rêveur en accordant une subvention non remboursable de 9,9 millions $ à Ubisoft pour son expansion de 373 millions qui créera 500 emplois sur 7 ans. Cette subvention, combinée avec l’assouplissement des règles du programme de crédits d’impôt à la production de titres multimédias, a fortement aidé à la candidature de Montréal, qui était en compétition avec d’autres villes pour l’implantation de ce nouveau studio. Au cours des dernières années, Ubisoft n’est pas la seule entreprise de l’industrie du jeu vidéo à avoir reçu de l’aide directe d’Investissement Québec pour venir s’établir à Montréal. De grands noms de l’industrie tels que Warner, THQ et Square Enix sont parmi celles qui ont pu en profiter. Ainsi, le climat favorable créé par cette mesure fiscale a contribué à attirer à Montréal près de 90 petites, moyennes et grandes entreprises employant un total d’environ 8200 personnes, faisant ainsi de la métropole le troisième plus important pôle de développement de jeux vidéo sur la planète, après Tokyo et Los Angeles. En considérant les prêts similaires ayant été offerts, au cours de la dernière année, à des entreprises de l’industrie des effets visuels, on peut en venir au questionnement suivant : « Pourquoi le gouvernement soutient-il ces entreprises qui appartiennent à des secteurs déjà subventionnés par les crédits d’impôt ? ». La réponse du gouvernement à cette question serait que le programme de crédits d’impôt à la production de titres multimédias est « très rentable ». En effet, il estime que son prêt de 9,9 millions à Ubisoft sera rentabilisé à l’intérieur de 5 ans. Cette affirmation n’est cependant pas supportée par des données sur la rentabilité du programme. Le ministère des Finances ajoute également que le programme a coûté à l’État 128 millions $ en 2012, et que cette somme augmentera de 3 millions l’an prochain. La venue d’entreprises concurrentes financées par le gouvernement au détriment de celles existantes n’est pas vu d’un bon œil par certains. Michel Murdock, vice-président exécutif d’Hybride, une entreprise d’effets spéciaux et une filiale d’Ubisoft, est l’un des premiers surpris par les actions du gouvernement étant donné la pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans les deux industries. Selon lui, la société d’effets spéciaux Framestone, qui a reçu une subvention de 900 000 $ pour venir s’établir à Montréal, ne sera pas capable de faire venir 200 employés de l’extérieur du Québec. Elle recrutera probablement ses employés chez les boîtes déjà établies de la région de Montréal. Avec l’objectif de créer 500 emplois sur 7 ans, c’est à se demander si cela n’aura pas pour effet de recréer ce qui s’est passé dans le secteur du jeu vidéo au cours des dernières années. Les entreprises de ces industries iront chercher leur future main-d’œuvre chez leurs concurrents. En affaires, on doit investir pour gagner de l’argent. C’est donc ce qu’à fait le gouvernement Marois cette année, autant pour le secteur des effets visuels que celui des jeux vidéo. Est-ce que ces investissements rapporteront autant qu’il le prévoit? Je ne sais pas, mais pour le moment une chose est sûre : les nouveaux changements apportés au programme de crédit d’impôt à la production de titres multimédias permettront de rendre plus d’activités admissibles. Donc, le programme coûtera plus cher au gouvernement.