Recherche corrompue — la fraude augmente en science L’une des premières choses que l’on apprend avant de produire un document universitaire est l’importance d’utiliser des informations provenant de sources fiables. On prodigue alors d’éviter les sources « libres » telles que Wikipédia. Or, un récent article de Philippe Mercure dans la Presse + « Un coup monté déclenche une immense controverse » m’a amené à m’interroger à propos de la validité des données scientifiques publiées aujourd’hui. L’article de Philippe Mercure discute de la controverse qu’a engendrée la publication en juillet dernier des résultats d’une expérimentation menée par le prestigieux magazine Science visant à tester le processus d’acceptation de publications de type libre accès. Sur les 304 publications contactées, plus de la moitié ont accepté et publié l’article. Désirant par cette expérimentation démontrer que l’analyse des articles réalisée par ces journaux laissait à désirer, Science s’est retrouvé au centre d’une polémique. Plusieurs chercheurs ont critiqué le magazine d’avoir focalisé son expérimentation sur les journaux en libre accès. En effet, une telle enquête pourrait nuire à une catégorie qui, au cours des dernières années, a démocratisé la science pour la sortir de l’emprise des grands éditeurs. Par contre, d’autres chercheurs se rangent à l’avis de Science en soulignant qu’une révision de la qualité doit être effectuée par des scientifiques du même domaine. Peu importe si ces accusations sont fondées ou pas, il n’en demeure pas moins que Science a soulevé un point important : qu’un magazine soit payant ou pas a peu d’impact si son processus de révision n’est pas uniforme aux autres. Si l’on prend, par exemple, le cas du psychologue néerlandais, Diederik Stapel, qui a reconnu en 2011 avoir falsifié ses données pendant plus de dix ans. Science ainsi que plusieurs autres journaux scientifiques se sont alors vu forcés de retirer les articles de M. Stapel de leurs publications. Toutefois, le retrait des articles frauduleux comporte certaines lacunes. Une étude ayant identifié 94 cas de falsification a démontré qu’il n’existait pas de mécanisme fiable pour retirer ces fausses informations de la littérature. Chaque année, le nombre d’articles falsifiés retirés des magazines scientifiques augmente de plus en plus, et ce, à l’échelle mondiale. Selon Judith Lachapelle du journal La Presse, ce nombre pourrait atteindre les 500 articles cette année, ce qui correspondrait à 25 fois plus qu’à la fin des années 90. Les raisons d’une telle augmentation sont nombreuses, telles que la titularisation, les promotions, les préoccupations quant au renouvellement d’une subvention, la rivalité professionnelle ainsi que le besoin de prouver des théories et des idées. Une partie de ces facteurs est attribuée à la notion « publier ou périr » qui gouverne le secteur académique actuel. Face au phénomène de fraude scientifique qui sévit mondialement, les trois principaux organismes subventionnaires canadiens, le CRSNG, le CRSH et IRSC ont décidé de mettre en place une mesure afin de le contrer. Depuis 2011, ces organismes exigent que les chercheurs qui présentent une demande de subvention remplissent un formulaire de consentement les autorisant à dévoiler publiquement les noms de ceux qui enfreignent leurs politiques. Cette mesure n’est pas sans rappeler celle prise dans le budget fédéral 2013 qui exige plus de renseignements de la part des firmes chargées de remplir les demandes de crédits d’impôt RS&DE. Cette nouvelle initiative vise à préserver l’intégrité du programme d’encouragements fiscaux. Rien n’indique que ces mesures aideront à réduire ou stabiliser la situation, surtout si celle-ci est causée par le domaine scientifique actuel qui encourage la tromperie. Le psychologue Jonathan Schooler décrit adéquatement la présente situation en comparant les chercheurs à des athlètes olympiques, qui pour compétitionner doivent prendre des anabolisants, car tous les autres en prennent déjà. De ce fait, on en vient à douter des informations scientifiques publiées autant dans les publications en libre accès ou par abonnement. Crédit photo : PublicDomainPictures via Pixabay.