Parlons peu, mais parlons bien : Innovation vs progrès technologique – RS&DE En octobre 2010, nous apprenions que le « programme de la recherche scientifique et développement expérimental » aussi connu sous le sigle RS&DE allait être scruté à la loupe par un groupe d’experts de l’Agence du revenu du Canada en vue d’éventuelles modifications. Depuis, des articles ont été publiés afin de traiter des sommes importantes consommées par le programme. Parmi ceux-ci, celui de Philippe Mercure de la Presse Affaires posait la question suivante : « Faut-il changer de stratégie? ». Suivant l’analyse des stratégies d’innovation de 23 pays, le Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation en est arrivé aux conclusions que le Canada était celui qui investissait le plus dans les crédits d’impôt pour stimuler la recherche de ses entreprises. Selon d’autres statistiques présentées dans le même article, les crédits d’impôt généreraient moins d’innovations que les subventions, une stratégie davantage utilisée par les autres pays. À ce stade, je me dois absolument d’ouvrir une parenthèse sur un sujet que j’ai précédemment abordé. Bien que les termes de la langue française « innovation » et « progrès technologique » soient synonymes dans la plupart des domaines d’activité, dans le contexte des crédits d’impôt à la RS&DE, ces termes possèdent des sens différents. Alors que l’innovation vise à développer un produit unique jamais vu auparavant, le progrès ou avancement technologique consiste, quant à lui, à développer une nouvelle technologie ou à améliorer une technologie existante afin d’éliminer un problème ou une incertitude de nature technique. Donc, il est erroné de blâmer les crédits d’impôt comme responsables du retard canadien en innovation. Selon l’ARC, l’admissibilité d’une entreprise au crédit RS&DE dépend de sa capacité à démontrer qu’il y a eu un avancement de la science ou un progrès technologique. Tandis que les subventions telles que le Programme d’aide à la recherche industrielle (PARI) ne s’adressent qu’aux entreprises qui innovent, donc beaucoup plus restrictives. Contrairement aux subventions, les crédits d’impôt touchent tous les secteurs d’activités technologiques. Ils ont également l’avantage d’octroyer des sommes chaque année pourvu que les travaux réclamés répondent aux critères de l’ARC. L’incertitude d’obtenir ou non des subventions ne constitue donc pas un enjeu. Dans un autre article de Philippe Mercure, Crédits vs subventions, certains croient que les subventions permettraient au gouvernement de diriger la recherche vers un créneau où le Canada a des chances de se tailler une place à l’international, ou de soutenir des projets qui répondraient à des critères particuliers. Pour ma part, je partage les craintes du consultant interrogé dans l’article. Avec la très grande diversité des secteurs technologiques, il serait compliqué d’en privilégier qu’un seul. Je pense également que l’innovation devrait demeurer aux mains des entreprises parce que ces dernières vont au-devant de l’innovation, contrairement au gouvernement qui se retrouve la plupart du temps dans la voiture de queue. En conclusion, je ne crois pas qu’il existe de lien proportionnel entre l’innovation et le progrès technologique. Selon moi, c’est un peu comme comparer des pommes avec des oranges. Nous ne devrions donc pas baser la révision du programme de la RS&DE uniquement sur le fait que ce dernier génère moins d’innovation qu’une autre stratégie.