RS&DE : Investigation systématique – définition Se retrouver devant un obstacle technologique et réussir à le surmonter, ou échouer à le surmonter, ne suffit pas à rendre un projet admissible au crédit d’impôt à la recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE). De fait, la manière d’arriver au résultat, positif ou négatif est tout aussi importante, et doit répondre aux principes élémentaires d’une démarche scientifique, à savoir une investigation ou recherche systématique. L’ARC nous offre un définition plus précise : « L’investigation ou recherche systématique, selon la définition de la RS&DE , est une approche impliquant la définition d’un problème, la formulation d’une hypothèse en vue de résoudre le problème, la planification et la réalisation d’expérimentations ou d’analyses pour vérifier l’hypothèse et le développement de conclusions logiques basées sur les résultats. » Cette exigence de l’ARC vise notamment à disqualifier les travaux réalisés par « essais/erreurs » et à s’assurer que le projet a bien généré une augmentation de la base de connaissance de l’entreprise. Prenons quelques exemples pour clarifier ce qu’est l’investigation systématique : Exemple 1 (invalide) : Contexte : Un équipement lourd comprend un système hydraulique. Pour une raison inconnue, un raccord, toujours le même, brise, et ce bien que la conception du circuit hydraulique ait été réalisée selon les règles de l’art. Travaux : Au cours d’une maintenance sur chantier, essais de différents types de raccords. Une marque particulière semble être plus résistante. Commentaires : On ne peut, dans le cas présent, même pas parler de projet. Une problématique a bien été identifiée, mais sa cause potentielle n’a pas été étudiée (aucune hypothèse), et les travaux ne démontrent aucune planification, réalisés dans des conditions non contrôlées avec des pièces disponibles au moment présent dont la sélection tient surtout du hasard. Enfin, les résultats découlant des essais sont purement fonctionnels, aucun indicateur ne permettant de comprendre ce qui se passe et pourquoi une pièce tient mieux qu’une autre. Exemple 2 (invalide) : Contexte : Une entreprise souhaite usiner pour la première fois un matériau, peu courant et reconnu comme étant difficile à travailler, avec un fini de surface déterminé. Hypothèse : La microstructure particulière du matériau peut engendrer des phénomènes physiques extrêmes (chocs, échauffement, etc.) causant des microfissures sur les outils et leur dégradation rapide, rendant l’application de la base de connaissance de pratique courante inutilisable.Travaux : L’entreprise demande à son fournisseur d’outils d’essayer plusieurs modèles de pastille, plus durs que les outils au carbure habituellement utilisés. Toutes les pastilles sont testées et une, s’usant bien moins vite que les autres, est retenue. Commentaires : L’entreprise a bien identifié et compris sa problématique. Mais a-t-elle compris pourquoi la pastille retenue est plus efficace que les autres? Probablement que non, elle ne dispose généralement pas d’informations suffisantes sur la technologie utilisée par le fabricant des outils et le seul indicateur mesuré, l’usure de l’outil, ne lui permet pas de comprendre les phénomènes en jeu. Elle ne sera donc pas capable de réutiliser les conclusions de ce projet dans un autre contexte. Il s’agit d’un cas typique de résolution de problème par « essais/erreurs » Exemple 3 (valide): Reprenons l’exemple précédent, mais cette fois-ci, avant d’entreprendre les essais, l’entreprise sélectionne, éventuellement avec l’aide de son fournisseur, des outils selon le type de revêtement ou traitement et dont des données de base sont disponibles (ex. : dureté de la surface, épaisseur du revêtement, etc.). Après chaque essai, outre la mesure de l’usure, les outils sont analysés au microscope pour tenter de comprendre quels modes de dégradation sont en jeu. La première série d’essais permet de mettre en évidence que la durée de vie est directement liée non à la dureté du revêtement, mais à sa rigidité et aux forces de friction. Une seconde série d’essais est donc réalisée en se focalisant sur ces nouveaux critères et étudiant plus en détail l’influence de l’épaisseur du revêtement et comment les revêtements se dégradent au cours du temps. Suite à ces essais, une règle de sélection des outils a pu être développée pour ce contexte. Commentaires : Dans ce cas, l’entreprise n’a pas fait qu’essayer des outils, elle a planifié une première série d’essais dont les conclusions ont permis la réalisation d’une seconde série d’essais et débouchant sur une base de connaissance permettant de choisir des outils à partir de leurs caractéristiques. Le processus itératif, planifié ainsi que l’analyse qui a été faite des résultats démontrent qu’il s’agit bien d’une investigation systématique et non pas d’essais/erreurs. J’espère que ces quelques exemples vous permettront de comprendre ce qu’est une investigation systématique et pourquoi certains projets très fonctionnels, malgré l’importance de l’obstacle technologique surmonté et l’efficacité des solutions trouvées, pourraient ne pas être admissible au crédit d’impôt à la RS&DE. Crédit photo : Image courtesy of Sira Anamwong at FreeDigitalPhotos.net